MICHEL LEGRAND

Comment résumer une carrière qui englobe tous les genres musicaux, de la chanson à la musique classique et du jazz aux comédies musicales et autres bandes originales de films ? C'est un véritable casse-tête que de restreindre la palette de l'un des plus grands compositeurs français contemporains et l'un des rares à avoir su sensibiliser le coeur des Américains, allant jusqu'à recevoir trois Oscars d'autres récompenses anglophones, et ce, sans avoir jamais attiré l'attention sur son cas de l'Académie des Césars ou de celle des Victoires de la Musique, paradoxe français oblige. Michel Legrand n'est pourtant pas que l'auteur de l'indicatif sonore de RTL.

Soit, cette rétrospective qui se propose de faire le tour du propriétaire en 15 CD et quelques 312 morceaux est déjà colossale et, pour tout dire, indispensable à tout mélomane doté d'une focale musicale grand angle. Intelligemment conçue de façon thématique, l'anthologie se partage entre albums originaux et compilations de chansons ou thèmes instrumentaux regroupés par genre. Ainsi passe-t-on des petits bijoux que sont les premiers albums de jazz à la chanson et aux compositions pour le cinéma et autres travaux symphoniques.

Une première époque est bien ciblée avec sept albums regroupés en quatre CD : I Love Paris (best-seller de son époque, en 1954), Legrand in Rio (1958), Legrand Jazz (monumental, avec Miles Davis, John Coltrane et Bill Evans, 1958) et Legrand Big Band (hommage à Richard Rogers), suivi un peu plus tard par Communication '72 avec Stan Getz et de Bud Shank Plays Michel Legrand (1969).

Suit un extraordinaire florilège de son apport à la chanson par les voix de Claude Nougaro, Charles Trenet, Jacques Brel, Yves Montand, Juliette Gréco ou sa soeur Christiane Legrand. Après un sixième volume consacré à sa carrière d'interprète (Michel Legrand Chante et S'Accompagne / Sérénades du XXème Siècle) vient le must de ses collaborations avec le réalisateur Jacques Demy et les inoubliables mélodies de Lola, Les Parapluies de Cherbourg, Les Demoiselles de Rochefort, Peau d'Âne (tout cela entre 1968 et 1970) et Trois Places Pour le 26 avec Yves Montand (1988).

Le reste de la sélection vaut également pour ses autres contributions à la musique classique et au cinéma. Outre un album inédit, Jazzic in Classic pour harpe et orchestre symphonique, un autre volume contient ses pages symphoniques. Celui consacré aux interprètes internationaux englobe des compositions pour Barbra Streisand, Johnny Mathis, Petula Clark, Michael Jackson (Happy) ou Ray Charles tandis que le onzième volet se compose de chansons pour des spectacles musicaux (Ubu 70, Jerk pataphysique, etc.) et le suivant aux musiques pour dessins animés (Oum le dauphin, Les Schtroumpfs).

Enfin, les trois derniers volumes se focalisent sur le cinéma d'un volume en hommage à Alain Delon (« Les Moulins de mon coeur », La Piscine) à un autre pour Joseph Losey (Le Messager, Maison de poupée) pour terminer en beauté avec les films de sa grande période américaine : Summer of '42, Portnoy's Complaint, Un Chateau en enfer, Cops and Robbers, Gable and Lombard...). Dans le livret de 72 pages qui accompagne ce trésor, le compositeur s'ouvre à titre exceptionnel sur ces choix et livre quelques anecdotes d'une carrière incomparable